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La tolérance et la réciprocité - clés de la coexistence


06 November 2016 | By Liang Baowen 梁宝文 | SISU

La tolérance et la réciprocité - clés de la coexistence :

réflexion sur l’attentat contre Charlie Hebdo

Liang Baowen

Du 7 au 9 janvier 2015, 17 personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées, dont certaines grièvement, dans les attentats à Paris.[1] Ce fut une onde de choc dans la société française, en Europe et même dans le monde entier. Dans les jours qui suivaient, partout en France, des millions de personnes ont volontairement participé à des marches citoyennes pour exprimer leur indignation et condamnation des massacres commis dans les locaux de la rédaction de Charlie Hebdo, puis à Montrouge et le lendemain encore dans un magasin casher. Les pancartes portant les mots « JE SUIS CHARLIE » ont investi les rues et les places de la France. Le peuple français a exprimé, à cette occasion, sa colère contre le terrorisme et sa détermination pour défendre la liberté d’expression.

Mais en observant cet attentat, nous le trouvons un peu différent des autres attaques terroristes « classiques » : les deux agresseurs sont musulmans français, nés en France, et ils parlent couramment le français et ont reçu une éducation purement laïque. Ils connaissent parfaitement les valeurs républicaines et la société française, c’est ainsi qu’au lieu de faire une terreur en public, ils ont choisi pour cible d’attaque la presse journaliste afin de montrer la fureur contre ceux qui ne respectent pas leur foi. Je dit cela non pas pour les excuser, puisqu’ils ont adopté une façon diabolique de meurtrie et commis un crime impardonnable contre l’humanité, ce qui mérite la condamnation la plus sévère. Or, l’identité de ces deux terroristes, leur revendication et même la réaction du monde musulman sur le « blasphème » de Charlie Hebdo devraient nous avertir et nous faire reconsidérer l’attitude que nous avons prise envers la croyance religieuse.

La position de la République envers la religion est toujours explicite – la laïcité. Le mot « laïc », apparu au treizième siècle, est issu du latin laicus (qui voulait dire « commun, du peuple »), terme ecclésiastique emprunté au grec d’église λαϊκός.[2] Même si la signification du terme n’est pas très précise, nous pouvons déjà savoir de son étymologie que la laïcité désigne une idéologie profane sur le plan théologique. Aujourd’hui, la laïcité se traduit par deux grands courants de pensées : l’autonomie du sujet et la neutralité de l’État. C’est-à-dire, d’une part, les citoyens jouissent de la liberté de parler quoi que ce soit, même exprimer l’opinion personnelle concernant la foi religieuse, pourvu que ce ne soit pas interdit par la loi, et d’autre part, l’État doit rester neutre en garantissant la liberté de culte et parallèlement la liberté de conscience, construisant ainsi l’égalité républicaine.

Il semble donc l’action de caricaturer la religion est parfaitement dans le cadre de la liberté qu’a autorisée la laïcité française, qui devint constitutionnelle en 1946. De plus, en 1789, dans le feu de la Révolution française et sur le principe d’autodétermination, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise dans son article 10 que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, (…) pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », [3] et institue dans son article 11 « la libre communication des pensées et des opinions… ». [4] Les crimes de lèse-majesté divine et de blasphème ont été abolis il y a longtemps et il semble justice que Charlie Hebdo publie sa caricature sans être critiqué.

Si c’était le cas, pourquoi nous avons vu tant d’« incidents malheureux » que les musulmans croient subir aujourd’hui sur la question islamique en France ? La réponse est que la laïcité à la française ne fonctionne plus à cause de la négligence du principe « réciprocité ».

« À partir des années 1980, l’installation durable des populations musulmanes vient questionner directement la loi de 1905. Celle-ci ne prévoit pas, en effet, le financement des mosquées, inexistantes sur le territoire métropolitain au moment du vote de la loi ; la charge de leur construction incombe donc aux fidèles eux-mêmes et introduit une inégalité de fait avec les religions installées de longue date. En 1989, l’« affaire du foulard », qui voit trois jeunes filles exclues d’un collège de Creil pour avoir refusé d’ôter leur voile, soulève la problématique du port des signes religieux, une question qui ne s’était jamais posée avant et que la loi n’avait pas prévue. »[5]

Et surtout après l’entrée au 21ème siècle, avec la loi de 2004 interdisant le port de tout signe religieux à l’école et celle de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, nous pouvons constater une tendance encore plus forte du côté de l’État à intervenir dans des sphères qu’il avait laissées autrefois à « l’autonomie des sujets » et une volonté renforcée du côté de l’ État de restreindre l’influence islamique en public par des démarches qui, dans une certaine mesure, vont à l’encontre des usages de la religion islamique.

La France est fière de son héritage ancien, de sa promesse républicaine, de ses valeurs universelles qui se répandent bien au-delà des frontières. Liberté, égalité, fraternité, c’est le rêve français qui rassemble le peuple et le pousse à avancer vers la France de demain. C’est pourquoi les Français tiennent beaucoup à la liberté d’expression, qui, selon eux, fait partie des droits inaliénables de l’être humain. Or, ces valeurs républicaines ne sont pas faites en un jour ni n’importe comment. Elles ont été acquises sur sang, larme et sueur des martyrs de plusieurs générations. Aussi sont-elles imprégnées, à travers ces épreuves longues et difficiles, d’un esprit de tolérance. Si les guerres, conflits, révoltes, massacres, terreurs, destructions qu’on avait vécus pour trouver ces valeurs dans l’histoire nous apprennent quelque chose, c’est que la  réconciliation et la réciprocité sont toujours les clés d’une solution.

En effet, la culture multi-religieuse et la liberté d’expression dont jouit la société moderne proviennent, pour une large partie, des théories de la tolérance religieuse proposée par les précurseurs des Lumières. En 1689, John Locke proposa dans son oeuvre « A Letter Concerning Toleration » de faire avancer la cause de la tolérance religieuse et la liberté d’expression pour tous, sauf pour les athées. (A cette époque en Angleterre, les athées étaient inacceptables pour la société.) Autrement dit, pour tisser des liens communs entre les membres de la société, une communauté doit absolument exclure ceux qui n’acceptent pas ses principes fondamentaux. Et la tolérance, la liberté doivent être exercées pour l’ensemble des membres qui constituent la communauté. Maintenant que les musulmans représentent 10% de la population française et qu’ils acceptent les lois de la République, en exerçant sa propre liberté d’expression, on doit systématiquement considérer la réaction et le fond des principes de ce groupe de personnes, qui font une partie inséparable de la République française. Si tout le monde se comportait à sa volonté en méprisant celle d’autrui, la conséquence aurait toute la chance de basculer dans un drame.

La solution pour la discrimination ne sera que la tolérance et la réconciliation du fond de notre conscience.

De nos jours, la tolérance religieuse est devenue universelle, mais cela ne signifie pas que nous n’avons rien à respecter. Auprès des philosophes de la tolérance religieuse, pour ceux qui vivent dans une même communauté, la discussion, le dialogue, la compréhension réciproque et la réconciliation sur le plan public comptent plus que la persistance et la conservation sur le plan de conviction personnelle.

Je ne renie point l’importance de la liberté d’expression ni l’utilité des caricatures satiriques pour le progrès humain. Et je rends grands hommages aux rédacteurs et aux caricaturistes de Charlie Hebdo pour leur courage de dire ce qu’ils pensent et pour leurs efforts de faire triompher la démocratie et la laïcité. Mais le problème est que les musulmans sont un groupe de citoyens qui convervent leurs foi et traditions différentes dans la société française. La réciprocité exige non pas de leur demander de faire tout comme les autres (selon la logique que si l’on veut qu’ils acceptent ou du moins restent indifférents aux comportements blasphématoires contre leur dieu, on devra également accepter ceux qui sont faits contre le sien), mais de connaître et respecter leur position et la limite de leur tolérance.

En vertu de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». [6] Les musulmans sont inclus dans cet « autrui ». L’égalité et la fraternité sont à tous et la contribution de la tradition musulmane et des immigrés musulmans eux-mêmes à la formation de l’identité française contemporaine doit être reconnue. Cette conscience importe surtout en ce moment post-attentat, où la méfiance contre la communauté  musulmane s’intensifie et qu’une sorte de rupture interne menace la France.

Personnellement, je pense que la tolérance et la compréhension réciproque sont essentielles pour un pays hétérogène. Une attaque terroriste ne représente pas la position de toute la population islamique. Cependant, cela devrait nous avertir des limites de la liberté d’expression. Puisque la République est fondée sur les principes de liberté, égalité et fraternité. Les deux derniers, dans lesquels résident le respect et l’acceptation des gens différents, ne doivent être négligés en aucun cas.

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_de_janvier_2015_en_France

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/La%C3%AFcit%C3%A9

[3] L’article 10 de La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, source : https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789

[4] L’article 11 de La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, source : https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789

[5] https://lejournal.cnrs.fr/articles/aux-sources-de-la-laicite-en-france

 

[6] L’article 4 de La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, source : https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789

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